L'approche par le patrimoine

L'approche par le patrimoine admin jeu, 02/14/2008 - 14:17

Dans le cas d'une résidence principale, un investissement immobilier constitue une épargne forcée. Ainsi, l'idée que le loyer constitue un gaspillage est assez couramment admise : louer, ce serait jeter l'argent par les fenêtres, alors que le propriétaire se constitue un patrimoine. A en croire l'adage populaire, l'acheteur est donc toujours gagnant financièrement sur le locataire.

Cependant, les prix sont montés beaucoup plus rapidement que les loyers ces dernières années et, comme nous allons le voir, chacune des deux solutions - achat ou location - peut être financièrement meilleure en fonction des situations …. Cela dépend de votre apport personnel, de la durée de l’emprunt que vous allez contracter, et surtout, en premier lieu, de la durée de conservation du bien.

De ce point de vue, notre première étude de cas, est édifiante : on y montre qu'un célibataire débutant avec un bon salaire, voulant se loger dans un petit studio parisien pour une période de 5 ans, aurait vraisemblablement intérêt à le louer plutot qu'à l'acheter, même si il touche, pour l'achat, une aide de parents bien intentionnés qui veulent lui "mettre le pied à l'étrier"!

En effet, acheteur, il ne lui resterait même pas, après revente, le montant du don qu'il aurait recu en cas de stagnation (en euros courants) des prix de l'immobilier; il serait alors clairement perdant par rapport à celui qui aurait fait le choix de la location. Pire, en cas de baisse brutale, l'acheteur pourrait se retrouver à avoir insuffisament remboursé son prêt et à devoir plus à la banque que le produit de la revente... malgré le cadeau parental. Même en cas de hausse de 10% (toujours en euros courants), l'avantage d'acheter ne serait du qu'au coup de pouce cadeau parental ... parents qui, du coup, auraient été mieux inspirés d'offrir un an de loyer, car, à donation égale, c'est la location qui est gagnante.

On le remarque aussi dans cette première simulation : au delà de la durée de conservation du bien, les décisions d'investissement sont également fortement guidées par la difficile anticipation de la variation des prix de l'immobilier.

Importance de s'inscrire dans la durée pour rentabiliser un processus d'acquisition initialement coûteux

Pour des périodes courtes, la location est donc naturelle : d'abord parce que l'achat/vente est un processus lourd à gérer d’un point de vue personnel, entre les visites de biens, l'achat ... et la revente, mais aussi parce que ce processus est coûteux.

En effet, dès l'achat, le nouveau propriétaire doit faire face à un certain nombre de frais onéreux qui ne lui permettent pas de se constituer un patrimoine :

  • les fameux droits de mutation, souvent nommés "frais de notaires", qui représentent bien souvent plus d'un an de loyer d'un bien équivalent.
  • Eventuellement, si il passe par une agence, le particulier devra rémunérer cet intermédiaire, le plus souvent à hauteur de 5% à 6% du prix du logement acheté ; là encore, c'est l'équivalent d'un à deux années de loyer.
  • dès lors qu'il emprunte, il doit régler des frais de d'hypothèque, le plus souvent égaux à 2% du capital emprunté
  • noubliez pas surtout, que les premiers remboursement servent, non pas à constituer votre patrimoine en amortissant le capital du prêt, mais à rémunérer votre banque sous forme d'intérêts : pour un prêt à 25 ans, vous avez remboursé, au bout de dix ans, seulement 27% du capital ... le reste a servi à verser des intérêts à votre banque
  • Enfin, sur la durée, le propriétaire doit assumer des charge plus lourdes que celles du locataire : ce dernier ne paye que l’entretien courant du bien, alors que les propriétaires doit régler la taxe foncière et les gros travaux, tels que le ravalement. Cela ne représente certes pas des sommes importantes, mais c'est de l'ordre d'un petit mois de loyer du bien équivalent

Exemple d'impact de la durée de conservation d'un bien

On perçoit ici l'impact prépondérant de la durée de détention du bien : en effet, ces frais ne sont, pour la plupart, réglés qu'une fois, durant les premières années. Une fois cette première période passée, la constitution patrimoniale proprement dite commence d'une manière véritablement efficace pour le propriétaire ... encore faut il qu'il n'ait pas revendu son bien avant.

L'illustration de cette importance de s'inscrire dans la durée est donnée dans nos deuxième et troisième études de cas montrant la situation de deux couples: l'un, la petite trentaine achète un bien de "début de vie" en région parisienne pour le revendre dans quelques années; le second, la quarantaine, envisage d'acheter un pavillon pour loger sa famille dans une grande ville de province.

  • Le premier couple envisage de se loger dans un deux pièces à Massy, en région parisienne.
    Malgré son apport respectable, la durée de détention de 8 ans est, vu le niveau des prix et les frais comparés aux loyers, insuffisante pour être certain d'amortir les frais liés à l'achat; ce couple devrait préférer la location de son logement à l'achat. Dans cette configuration acheter n'est une attitude gagnante que si les prix, en euros courants, augmentent significativement sur la période de 8 ans. Si ils stagnent ou, pire, si ils baissent, la location est préférale de plusieurs milliers d'euros; qui plus est, en cas de baisse importante (10% en euros constants, ou 25% en euros corrigés de l'inflation), la revente du logement permettra tout juste au couple de retrouver son apport initial.
  • Bien entendu, le choix de l'achat reste toujours le meilleur pour un établissement à long terme, comme l'illustre l'exemple de notre second couple, qui souhaite s'établir en pavillon, à REZE (à coté de Nantes), pour y "faire sa vie" pendant 20 ans. En achetant le logement, ce couple constituerait, presque à coup sur, un patrimoine plus important que ce qu'il aurait obtenu en louant.
    Si l'immobilier stagne sur la période, le gain de l'achat serait d'un peu moins de 10 000 euros. Il faudrait une baisse de 10% en euros courants sur cette période pour que le locataire soit gagnant.
    L'évolution des prix, sur une aussi longue période, est de toutes facons difficile à prévoir; à fortiori, tabler sur une baisse de l'immobilier, ou même une stabilité, est hasardeux sur une telle durée, malgré les niveaux actuels extrêmement élevés.
    Il faut rappeler que la stabilité en euros courants correspondrait, sur vingt ans, à une baisse de 33% en valeur corrigée de l'inflation. Si les exemples Japonais et Allemands montrent qu'une telle évolution ne serait pas une première, on doit constater qu'elle ne permettrait même pas, en tout état de cause, au locataire d'être gagnant.

De la liberté du locataire d'acheter quand bon lui semble

On pourrait déduire de notre dernier exemple que le couple souhaitant s'établir, sur le long terme, en pavillon a toujours intérêt à acheter immédiatement.
La réalité est un peu plus compliquée : en fait, le choix ne se résume pas, dans le cas d'un bien familial, entre acheter et louer sur la période de 20 ans considérée; la question est aussi, et même surtout, pour ce dernier exemple, de savoir quand acheter.

Là, tout dépend de l'évolution à venir des prix de l'immobilier; pour illustrer cette problèmatique, reprenons l'exemple de notre couple Nantais; il hésite entre acheter immédiatement et attendre un an, en se serrant dans un bien plus petit, en espérant une baisse du prix de l'immobilier. Il sait cependant qu'il achètera car, ce genre de bien, à long terme, est toujours interessant à acheter.

Comparons les situations patrimoniales finales induites par chacun des deux choix possibles, en supposant que les prix de l'immobilier vont baisser de 3%, comme le prévoit le Xerfi et le Crédit Agricole pour 2008.

Le couple resté en location est, au final, gagant de plus de 10 000 euros (jusqu'à 18 000 euros); pire, si le couple a passé cette année, non pas dans une location mais dans un bien dont il est déjà propriétaire, l'avantage sera encore plus important, puisque le couple n'aura pas payé de loyer.

Conclusion : de la difficile prévision de l'évolution des prix

On l'a vu dans les exemples précédents, un élément primordial de ce débat est l'évolution des prix de l'immobilier. Si on suppose que l'augmentation va se poursuivre, l'achat est quasiment toujours gagnant, sauf pour de très courtes durées.

On doit néammoins constater que, vu le niveau, inédit sur ces dernières décennies, auquel se situe désormais les prix (nb lien vers friggit), vu aussi l'évolution constatée à l'étranger, il est hasardeux de tabler sur la poursuite d'une augmentation significative; les prévisions des professionnels sont, à court terme plutôt mitigées, et même légèrement baissières. (nb, ici insérer un lien vers l'étude banque de France, Xerfi, et crédit Agricole).

Ces prévisions, toujours difficiles à réaliser, se sont souvent trompées par le passé et rien ne permet d'affirmer qu'elles seront exactes cette fois-ci. Il n'en reste pas moins que, même si rien ne laisse présager pour l'heure que le marché français va connaitre le krach en cours aux Etats-Unis (jusqu'à -18% en dollars courants sur un an dans certaines régions), les difficultés récentes de certains marchés européens tels que l'Espagne ou le Royaume-Uni, ou la forte baisse en Irlande (-7% sur l'année 2007) incitent à ne pas faire d'hypothèses qui se révèleraient par la suite avoir été trop optimistes.

En somme, on constate que, parmis les cas étudiés, le seul dans lequel l'achat soit véritablement, indiscutablement, gagnant, correspond à celui du couple qui a acheté dans une perspective de logement à long terme.
En définitive, on serait tenté d'en conclure que l'immobilier, aujourd'hui est peut être trop cher pour être acquis dans une optique purement patrimoniale.

Pour autant, on doit toujours garder à l'esprit que bien d'autres paramètres entrent en ligne de compte dans l'achat d'un bien : en effet, toutes les simulations présentées ici supposent que le locataire épargne sagement l'économie qu'il fait en payant un loyer, généralement plus faible que la traite du propriétaire. Or, tous les locataires ne parviennent pas à s'y astreindre.

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